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Neurasthenie

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pleur-de-lys's avatar
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Envie d’écouter Mano Solo à fond, de retourner la chair dans la chair, et mourir très lentement. Du sida, ou d’une quelconque maladie étrange et inconnue, qui durerait longtemps, tellement longtemps qu’on dirait presque une vie entière, mais réduite à l’infini d’une seconde. Suffisamment pour apprendre à regretter la vie. Assécher toutes les larmes qui dorment sous les poings serrés contre nos yeux. Laisser se refermer les plaies. Regarder des documentaires sur les chameaux en plein milieu de la nuit, et pleurer devant Vol au dessus d’un nid de coucou. Apprendre à aimer la douleur tapie en nous et laisser mourir cette envie terrible de plonger les doigts dans le thorax pour retirer la substance, arracher les tripes, redevenir cette coquille vide qui ne pouvait pas vivre, l’ovule infécondé. Mourir d’une MST, pour qu’une dernière fois le plaisir se mêle à la douleur.
Quelle raison donner au scalpel de ne pas entamer la peau. Quelle raison donner à la main de ne pas terminer son geste. Et le suicidé. Que lui dire à celui la qui vient pleurer sur nos genoux comme pour nous prier de ne pas le laisser trancher le dernier lambeau de chair qui le retient au monde, fragile cordon ombilical. Poser notre front tout contre le sien, le regarder au fond des yeux et non seulement trouver les bons mots, mais aussi ne pas se laisser entrainer par la souffrance que l’on peut y lire.
La poussée d’adrénaline du plaisir, du sexe, cette sensation d’exister réellement pour de bon, exister pour rien, juste pour que d’autres moments comme ca puissent se succéder à l’infini, cette poussée d’adrénaline du bonheur donc c’est la même que celle de la douleur. Quand l’amour se mêle de jalousie, de haine parfois. Quand quelqu’un meurt et qu’à chaque fois un peu de nous même part avec. Quand chaque poignée de terre que l’on jette emporte un peu de nos souvenirs, de notre essence. Il est tellement dur de se reconstruire après. Les morts nous prennent tant.
Mais cette douleur. Cette solitude dans le malheur. On y prend goût. On va jusqu’à la recréer. Est-ce ce que l’on nomme folie ? Le refus de se fondre dans la masse grouillante des heureux individus lobotomisés par leur futile bonheur, leurs fictifs plaisirs.
Ne pas être comme eux. Ne pas vouloir sauver ces enfants noirs du bout du monde, juste pour faire bien, ou pour un soit disant idéal noble et pur. Ne pas lire du Nietzsche uniquement pour dire que l’on comprend, mais pour découvrir que chaque homme est un puis sans fond emplis de fumées hallucinatoires. Ne pas croire en Dieu parce que nos parents l’ont fait avant nous, ni pour aucune autre raison. Ne pas croire aux dieux, parce qu’ils ne le méritent pas. Ne pas dire je t’aime quand on ne le pense pas, simplement pour jeter un pont entre nous et le vide d’un autre individu, dont on espère qu’il sera enchainé à nous et qu’il complètera notre propre néant. Et enfin, ne pas résister à cette envie brutale qui prend le bas ventre en pleine nuit, cette envie de sortir dans les ténèbres inexplorées et de courir dans les rues désertes, en sachant qu’il n’y a rien à fuir, et rien à rattraper.
Etre sauvage. Dans tout ce que ce mot implique de violent et de déviant. Recréer une loi. Celle des premiers hommes. Briser les os, tuer pour se nourrir, pour survivre.
L’homme moderne oublie les joies simples et la saveur du sang. Chacun de ses actes barbares est recouvert d’un vernis poisseux de civilisation.

Et quand je rêve, j’imagine un monde désert dans lequel je robinsonnerai sans fin, vêtue de colliers de jade et d’os, la taille ceinte d’un simple pagne, et la chevelure hérissée de plumes noires. Je redeviendrai la bête. Et alors dans cette solitude violente chaque chose prendra son sens.
Pourtant, quelque part, bien caché sous de gros morceaux de roches brutes, je conserverai un coffre empli de quelques livres, que je laisserai vieillir comme du bon vin.
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© 2006 - 2024 pleur-de-lys
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Peacefull's avatar
Merde, j'aurai pas du lire les commentaires, maintenant je ne sais plus ce que je voulais dire ... Si ! Je voulais dire que je suis sensée être en train de réviser pour mon partiel de logiques et contraintes du développement (en parlant de tropiques) et que j'en viens à m'enfermer dans ma chambre (alors que le reste de l'appartement est vide ce soir) et à te lire. Et à respirer. Et à me dire que ça me donne terriblement envie d'écrire, parce que ce texte est communicatif, comme une pensée munie d'un fil qu'il m'est donné d'attrapper, il coupe un peu la paume de la main mais je le serre fort car je veux te suivre et finalement j'ai eu bien raison de me mettre la main en sang, car je me retrouve sur une île avec toi en déesse triviale et vivante. J'adore ce déroulement fluide et entraînant, j'aime la sauvagerie de la narration.
Je n'ai pas envie de philosopher ce soir, je laisserai là les considérations voltairiennes ou autres, ça m'est bien égal, ce soir je fais dans le ressentit et je te le dis, j'aime ce que je ressens.